Concordia, vie et mort d’un mastondonte des mers
Alors qu’il a fait la une des médias pendant des mois, le Concordia a disparu des radars de l’information grand public. Le démantèlement, projet industriel d’une démesure proportionnelle à celle du paquebot, est un parfait exemple des capacités de l’industrie navale, mais aussi de ses excès. L’occasion de réfléchir à ces problèmes d’échelle et d’admirer des photos qui séduiront les amateurs de rouille et d’acier !
50 000 tonnes sur les cailloux…
L’histoire de l’accident du Costa Concordia a été suffisamment médiatisée pour que je ne rappelle pas ici tous les détails. Je me contenterai de quelques chiffres sur le bateau. Lancé en 2006 à Sestri Ponente, près de Gênes, le paquebot était à l’époque le plus gros en service. Long de 290 m et large de 35,5 m, son déplacement (masse du navire) est d’environ 50 000 tonnes. Son tirant d’eau est de 8,20 m et son tirant d’air de 70 m, il peut accueillir 3780 passagers pour 1100 membres d’équipage.
Le 12 janvier 2012, alors que le Costa Concordia est en croisière en Méditerranée, le commandant Schiettino décide de réaliser une manœuvre » de révérence » face à son île natale, l’île de Giglio. Amenant le paquebot géant très proche de la côte, il percute un rocher et fait une brèche dans la coque du navire qui prend rapidement une gite importante. Afin d’éviter de couler immédiatement, il échoue le navire sur le flanc à proximité de la falaise. L’accident fera tout de même 32 morts. Le commandant sera condamné en appel à 16 ans de prison le 31 mai 2016.
Le retrait de l’épave, un défi technique
Bloqué en position instable et fragilisé structurellement, le Costa Concordia est un risque pour l’écosystème protégé de l’île de Giglio. La compagnie Costa Croisières est donc mise en demeure de procéder au retrait de l’épave et au nettoyage du site. Une telle opération pour un navire à passager de presque 300 m n’a jamais été réalisée auparavant. C’est Titan, une société spécialisée dans le sauvetage de navires et la gestion des épaves qui est chargée par l’armateur d’imaginer la méthode pour retirer la coque du Costa Concordia.
Les sauveteurs imaginent un processus en 4 étapes. Après avoir stabilisé l’épave, des caissons sont ajoutés sur le côté bâbord de l’épave, pendant que des appuis en béton sont installés au fond de l’eau. Vient alors l’étape la plus spectaculaire, le basculement de l’épave (parbuckling) à l’aide de 12 vérins et 24 chaînes, jusqu’à ce qu’elle repose sur les appuis en béton. Des caissons sont ensuite ajoutés à tribord. Pour finir, l’eau des caissons est pompée afin de faire flotter l’épave.
Si les étapes sont relativement simples à comprendre, l’échelle du projet rend chacune extrêmement complexe et coûteuse. L’Harmony of the Seas, plus gros paquebot actuellement en service, a une jauge brute (mesure du volume du navire) deux fois supérieure à celle du Concordia. On imagine les risques d’un accident équivalent…
Démantèlement, une opportunité économique
Une fois remise à flot, l’épave ne pouvant être réparée, il est nécessaire de la déconstruire. En effet, les nombreux aménagements et équipements sont pour la plupart polluants, il est donc inimaginable de couler l’épave au large. La fragilité de la coque et une réelle volonté politique amènent l’armateur à désigner le consortium italien Shiprecycling.it pour s’occuper du démantèlement du Concordia. Il s’agit de l’alliance du chantier naval San Giorgio Del Porto et de Saipem, spécialiste de l’offshore pétrolier.
Une fois remorquée à Gênes, l’épave est sécurisée et équipée en vue du long chantier de déconstruction (éclairage, moyens de manutention, garde-corps…). Elle est ensuite débarrassée du mobilier situé sur les ponts encore accessibles. Ainsi allégé, son tirant d’eau est suffisamment faible pour permettre son remorquage dans l’enceinte du chantier San Giorgio.
La déconstruction peut enfin commencer avec la découpe progressive des ponts 14 à 2. L’opération mobilise jusqu’à 250 personnes simultanément. Durant tout le processus, un contrôle permanent de la stabilité du navire est indispensable, la position de son centre de gravité évoluant sans cesse.
Fin août 2016, le navire est finalement assez allégé pour pouvoir retirer les caissons installés lors du sauvetage. Ce qu’il reste du Costa Concordia peut enfin entrer en cale sèche pour finir la déconstruction.
Annoncée pour durer 22 mois, la déconstruction du Concordia dure depuis 27 mois. L’échelle du Concordia et son état ont empêché de l’envoyer en Asie pour son découpage. Grâce à cela, une filière a du être mise en place en Italie. C’est une opportunité intéressante. L’ampleur du projet permet également de réfléchir à la limitation de la taille des navires construits lorsque l’on voit les nuisances qu’ils impliquent en fin de vie… En attendant, profitons des belles photos qu’offre un tel projet !
Crédits photographiques :
En l’absence de mention contraire : Shiprecycling.it
En quoi mon approche n’est elle pas « positive »?
On peut encore relever des paradoxes malheureux, voire tragiques, faire des parallèles et des analogies dérangeantes, des raisonnements par l’absurde, dénoncer aussi des excès (pour le coup vraiment criants!) sans être taxé de « négatif » ?
Je me permets de rajouter une couche de questions dans le droit fil de votre récit édifiant. Merci de ne pas en faire une anecdote et de ne pas me présenter en rabat joie. C’est la réalité le problème, pas moi… Mon idée très « positive » (!) est que cela peut changer si on en parle, si on y réfléchi, si on introduit un peu de perceptive. Le gigantisme du renflouement de Concordia est une occasion rêvée de faire quelques comparaisons intéressantes.
Désolé pour le dérangement.
Quand on voit une telle débauche de moyens, quasiment sans limite de financement, d’outillage et de compétences techniques… On se demande pourquoi des projets « simples », moins chers, moins risqués et autrement plus productifs (!) meurent ou ne voient pas le jour.
La volonté politique… Oui, c’est l’explication simple, et probablement le seule, avec un peu de hasard bien sûr pour porter la lumière sur tel ou tel événements.
Pendant ce temps les réfugiées meurent par milliers depuis plusieurs années sur la même mer, presque au même endroit! Mais cette tragédie silencieuse elle n’appelle aucune mobilisation particulière, pas de « volonté politique ». J’ai honte…
Tragédie de la « volonté politique » qui peut tout (c’est prouvé maintenant!) et qui se résume encore une fois, qui se résume à chaque fois à une volonté de communication à court terme.
Mais communiquer, ce n’est pas « diriger une cité », c’est tenter obtenir et conserver le pouvoir.
La « volonté politique » est donc tout sauf une vraie politique du bien commun.
Sinon, en effet, l’interrogation plus que légitime sur les causes ques outien la « volonté politique », sur le gigantisme des paquebots pour revenir au sujet, sur la pratique massive de la croisière, sur cet univers économique obtiendrait des réponses sévère et contraignantes pour les armateurs.
Les capitaux seraient réorientés sur des pratiques durables, sur une vison globale de l’espace maritime beaucoup plus productive, plus rentable pour la communauté au sens large, plus acceptable…
Estimons nous déjà heureux que cette ruine n’est pas été capable d’aller s’échouer au Bangladesh! Même si des milliers d’autres y sont toujours en déconstruction, dans des conditions totalement folles, des dégâts qu’il faudra assumer un jour.
Bonjour,
Même si je partage une partie de vos constats, je reste ici sur une approche positive, en soulignant les avancées que ce drame peut apporter.
Merci néanmoins de votre implication dans la vie du blog.
Briag / Mer360
En quoi mon approche n’est elle pas « positive »?
On peut encore relever des paradoxes malheureux, voire tragiques, faire des parallèles et des analogies dérangeantes, des raisonnements par l’absurde, dénoncer aussi des excès (pour le coup vraiment criants!) sans être taxé de « négatif » ?
Je me permets de rajouter une couche de questions dans le droit fil de votre récit édifiant. Merci de ne pas en faire une anecdote et de ne pas me présenter en rabat joie. C’est la réalité le problème, pas moi… Mon idée très « positive » (!) est que cela peut changer si on en parle, si on y réfléchi, si on introduit un peu de perceptive. Le gigantisme du renflouement de Concordia est une occasion rêvée de faire quelques comparaisons intéressantes.
Désolé pour le dérangement.