Ballasts : le grand bouillon de culture
La pollution par les eaux de ballast est un des effets méconnus du transport maritime international. Quel en est le mécanisme ? Quels sont ses effets et les mesures correctives prises et à prendre ?
Le ballastage : une nécessité.
Un navire, pour rester stable et naviguer en toute sécurité, doit en permanence être au moins partiellement chargé. Dans le cas contraire, il offre un fardage (prise au vent) qui peut le rendre ingouvernable. Sa stabilité peut également être compromise, entraînant un risque de chavirement. Enfin, dans de nombreux cas, un navire lège (sans marchandise) aurait l’hélice hors de l’eau.
Pour parer à ces problèmes, un dispositif de pompes et de réservoirs (ballasts) est prévu afin de lester le navire avec de l’eau de mer. Ce système est souvent intégré à la structure du navire, dans des doubles fonds par exemple. Un navire partant à lège remplit ses ballasts avec les eaux du port de départ. Une fois arrivé à destination, il les vide au fur et à mesure de son chargement.
Selon une étude de 2007, la flotte mondiale transporte ainsi 3 milliards de tonnes d’eau par an.
Des conséquences sur les écosystèmes et sur l’économie
Le caractère éminemment mondialisé du commerce maritime amène des navires à transporter ces eaux de ballasts sur la moitié du globe. Ils vident alors des eaux de la Baltique dans un port indonésien et réciproquement. Les filtres utilisés lors du pompage n’empêchent pas les micro-organismes (planctons, larves..) d’être aspirés. 10 000 espèces seraient ainsi déplacées par an. Protégées dans les réservoirs, elles prolifèrent, contrairement à celles accrochées à la coque dont la survie est plus complexe. Les espèces tropicales relâchées dans des milieux clos ou pauvres en nourriture peuvent profondément modifier l’écosystème d’accueil.
Le cténophore ou comb jellyfish, est exemplaire de ces variétés envahissantes qui étouffent leur environnement. Elle a privé l’anchois de la mer noire de son alimentation, entraînant une baisse de moitié de la population. Au-delà de l’équilibre écologique, c’est également toute la pêche locale qui a été ravagée.
De même, la moule dorée, originaire de Chine, est en train de coloniser l’Amérique du Sud. Migrant d’un milieu salé vers l’eau douce, son emprise sur les grands fleuves du continent augmente régulièrement. On craint qu’elle n’atteigne rapidement le bassin amazonien. Sa croissance extrêmement rapide rend tout contrôle quasi impossible. Les turbines des barrages hydro-électriques brésiliens qui étaient nettoyées 2 fois par an, le sont désormais 1 fois par mois. En cas contraire, on risque un black out de l’installation. L’invasion des moules chinoises entraîne des surcouts et des surcharges de travail importants.
Des solutions pour limiter les contaminations
Après la Conférence de la Terre de Rio en 1992, l’Organisation Maritime Internationale (OMI) a lancé un travail réglementaire sur les eaux de ballasts . Quatre approches principales peuvent être distinguées.
- La précaution minimale requise est le changement des eaux de ballasts en pleine mer, à au moins 200 milles des côtes. On estime que les organismes côtiers ne survivront pas au large et réciproquement. Le risque de contamination s’en trouve limité. Néanmoins, la phase transitoire pendant laquelle le navire est à lège peut s’avérer dangereuse pour sa structure et sa stabilité, surtout en cas de tempête au large. On peut légitimement penser qu’elle sera peu suivie…
- La filtration. La séparation de l’eau et des résidus solides peut être réalisée avec des méthodes dites « cycloniques ». La partie solide est ensuite déchargée à terre.
- Le traitement des eaux avant rejet, afin de tuer les organismes allochtones. Des méthode chimiques (par l’ozone) ou physiques (par ultraviolet) sont testées. Il faut évidemment utiliser des produits non polluants.
- Pour supprimer le problème, on peut aussi envisager de supprimer la cause. Ainsi, pour ne pas apporter d’eau étrangère au milieu, il suffit d’en changer en continu. L’université du Michigan a travaillé sur un système de double coque à travers laquelle passe un flux d’eau continu. Ce dispositif séduisant reste, à ce jour, à l’état expérimental.
La convention sur les eaux de ballasts, adoptée en 2004, n’a toujours pas été ratifiée. Le traitement n’est donc pas encore obligatoire. On peut espérer une ratification en 2015. D’ici là, les industriels continuent à chercher des solutions efficaces. A l’heure où de nouvelles routes par les pôles, encore plus fragiles, viennent s’ajouter aux habituelles, il est urgent de traiter ces problèmes.
Pour en savoir plus :
Un documentaire instructif de la BBC primé en 2007
Site spécifique de l’OMI : Globallast
On pouvait espérer la ratification en 2015 à l’heure de l’article… Malheureusement en ce mois de janvier 2016, il reste un peu de chemin… Voir l’article du Marin ci-dessous :
http://www.lemarin.fr/secteurs-activites/shipping/24141-eaux-de-ballast-le-compte-ny-est-pas-encore