Moby Dick, sous la plume de Chabouté
« Prenez le plus distrait des hommes, absorbé dans la plus profonde des rêveries, dressez-le sur ses jambes, incitez-le à poser un pied devant l’autre et il vous conduira infailliblement vers l’eau ». C’est par ces mots, que mer360 ne saurait renier, que commence l’adaptation de Moby Dick par Chabouté.
L’auteur alsacien n’en est pas à son coup d’essai dans l’adaptation de romans. On peut même parler d’une prédilection pour les auteurs voyageurs américains puisqu’il a aussi publié une version très réussie de la nouvelle « Construire un feu » de Jack London. Dans ce livre premier de Moby Dick, on retrouve les jalons clefs de l’intrigue originale de Melville sans pour autant en suivre les péripéties à la lettre. Quelques tableaux principaux s’enchaînent :
- L’arrivée d’Ismael, le jeune héros en quête d’embarquement.
- Sa rencontre avec Queequeg, le harponneur cannibale.
- Leur embarquement
- La rencontre avec le capitaine Achab
- Et enfin une première capture de baleine
Je n’en dirai pas plus sur l’histoire que j’ai redécouverte avec plaisir. Il s’agit certes d’un classique, mais hormis quelques images du film de John Huston vu étant jeune, il me restait peu de souvenirs. Comme à son habitude, Chabouté réussit à créer un univers qui colle au récit, tout en limitant les dialogues au strict minimum. Son noir et blanc, sec et incisif, est à l’image des relations entre les personnages. Il rend avec dynamisme les colères du capitaine Achab ou de Queequeg, leurs visages déformés évoquant ceux de monstres effrayants. La part mystique et fantastique, essentielle dans le récit de Melville où les références bibliques sont omniprésentes, est extrêmement bien servie par le graphisme de l’auteur. D’un autre côté, les vues de la ville de Nantucket ou du pont des bateaux pourraient s’apparenter parfois à des gravures du XIXè siècle détaillant la misère des classes populaires. Cette alternance de réalisme et de fantastique fait la force de cette bande dessinée dont on pourrait croire qu’elle est gravée sur un os de baleine, à la manière des pêcheurs de l’époque.
Au delà de la vue, Chabouté réussit le tour de force de faire travailler nos autres sens à travers son dessin. En effet, par le seul découpage d’une scène muette, il nous fait entendre le bruit inquiétant de la jambe de bois du capitaine Achab sur le pont du Pequod. Par la représentation de la fumée de la graisse de baleine qui bout, il parvient à nous faire sentir la puanteur ambiante. En ce sens, son Moby Dick est un voyage sensoriel complet.
S’il fallait faire un reproche, je regretterai qu’en comparaison des séquences muettes, certains passages soient un peu bavards. C’est la contrepartie du choix de liberté par rapport au texte original.
Néanmoins, une chose est sure, le livre deux sera le bienvenu. C’est avec plaisir que l’on embarquera, n’en déplaise à Sea Shepherd, pour une nouvelle campagne baleinière, aussi pacifique que graphique!
Dessin / Scénario : Chabouté, Christophe
Adapté de : Melville, Herman
Dépot légal : 01/2014
Editeur : Vents d’Ouest
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